🎒 Attention école !

Il règne une ambiance étrange ce matin à l’ouverture de l’école. Les enfants s’apostrophent d’un trottoir à l’autre, les parents volent un dernier bisou et on se salue d'un trottoir à l'autre avant de filer au boulot. Quand la sonnerie retentit et que les grilles s’ouvrent, les rires fusent dans la bousculade mais on entend distinctement la directrice de l’école accueillir chaque élève un par un. Il y a un truc en plus ce matin, et ce n’est pas la fine pluie qui mouille les capuches. Ou plutôt, quelque chose en moins qui apaise et rend enfin audible ces petits bruits joyeux du quotidien.
Cette nouvelle ambiance sonore est peut-être le résultat le plus inattendu du récent blocage de la circulation automobile dans la rue, à l’heure de l’entrée et de la sortie de l’école. La nouvelle configuration des lieux est tout de suite rentrée dans les mœurs, car on s’habitue très vite à une rue calme. Les enfants et leurs parents sont plus tranquilles, le flux des piétons et cyclistes plus fluide et les traversées enfin sereines. L'accueil de ce changement est globalement très positif, et les plaintes très rares. Mais c’est toujours sur les trottoirs que l’on marche car les fantômes des voitures hantent encore la chaussée, qui reste vide.
Cette rue n’est pas fermée, non. Elle est juste interdite aux voitures pour s’ouvrir à la vie quelques dizaines de minutes par jour, par la magie d’une simple barrière en plastique fluo. Impossible ici de couper la circulation automobile définitivement, alors on joue sur les temps, et celui-ci est pleinement consacré aux enfants. On vient comme on veut, mais si c’est en voiture alors on se gare un peu plus loin pour finir le chemin à pied.
C’est une simple barrière en plastique qui change tout, mais pour un temps seulement. Car c’est une expérimentation qui se déroule sous nos yeux. Deux petites semaines à l’essai pour décaler la discussion. Cesser de s’affronter sur des principes et des peurs, et identifier concrètement ce qui coince et résoudre un à un les problèmes. Ou pas. Rien n’est arbitré à ce stade, mais les débats ne portent déjà plus sur l’opportunité du changement, mais sur les modalités de sa pérennisation. Ce ne sera pas simple, mais ça avance bel et bien.
Cette école, sa petite rue et ses barrières en plastique illustrent la puissance des aménagements temporaires comme outils de dialogue dans la transformation de l’espace public. C’est aussi la démonstration de la complexité à pacifier un espace public, même aussi important que la rue de l’école. Ce n’est pas une guerre qui se gagne à coup de changement de règlementation, mais une guérilla qui se mène sur le terrain, dans des géographies et des jeux d’acteurs toujours différents. Pour lancer cette petite expérimentation, il a fallu la rencontre entre des parents d’élèves mobilisés, une équipe pédagogique motivée, des agents de la collectivité engagés et des élus très impliqués.
C’est difficile, mais essentiel. Car il ne s’agit pas seulement de permettre à nos enfants d’aller à l’école sans risquer leur vie, mais aussi de leur faire découvrir la ville autrement que depuis le siège arrière de la voiture familiale.
— Sylvain (@SylvainGrisot)
PS : La rue de l'école est aussi un des sujets que l’on aborde avec Christine Leconte dans notre petit livre « Réparons la ville ! », dont les premières pages sont désormais en accès libre sur www.reparonslaville.fr (en précommande jusqu’au 31/01).

Quelques pistes pour aller plus loin sur le sujet :
- A’urba, « A l'école sans voiture », 2018,
- Boukala, M. et Monnet, N., « Postures et trajectoires urbaines : la place des enfants et adolescents dans la fabrique de la ville », 2019.
- Rivière, C., « Les enfants : révélateurs de nos rapports aux espaces publics », Métropolitiques, 2012.
- dixit.net, « Faire de la ville un jeu d’enfants », 2019.
- dixit.net, « 376 transats de plage à New York », 2019.
📅 Save the date. Le 25 janvier à 13h, échanges avec Rémi Babut sur le rapport "Habiter une société bas carbone" du Shift Project. On vous attend nombreux ! (dixit.net)
🎙️ Podcast. Un podcast pour les novices de la transition écologique qui souhaitent mieux comprendre les enjeux du siècle. Vous pourrez y retrouver une interview de Sylvain sur l'urbanisme circulaire comme clé pour faire la ville de demain. (The Big Shift)
🌊 Reculer face aux vagues. A Long Island, tout près de News York, les résidences secondaires huppées qui donnent sur la plage sont menacées par la montée des eaux, l’érosion des plages et les ouragans. Alors des milliards de dollars vont être consacrés pendant quelques décennies à l’apport de millions des tonnes de sables et au rehaussement de milliers de maisons de riches propriétaires occupées trois mois par an. Tout cela pose de vraies questions de justice sociale, mais aussi plus fondamentalement (Bloomberg) :
Are we going to take this opportunity to reenvision the way we live with water, or are we just going to fight against it until we lose?
🏢 Densité. Encore elle, revenue en force depuis un an, alors que cela fait 20 ans qu'on en parle. Le débat n'étant peut-être plus de rendre acceptable le processus, mais de donner envie, en expliquant pourquoi. Et en alliant densité bâti avec densité végétale. (La gazette des communes)
📚 L'urbanisme 1.0 : enquête sur une commune du Grand Paris, Dominique Lorrain (Raisons d’agir, 2018). Voici un petit ouvrage écrit par un habitant d’une ville du Grand Paris qui assiste à sa mutation rapide à coup d’opérations de construction menées tambour battant par la promotion immobilière, sous le regard bienveillant de la municipalité. Une histoire banale, mais qui n'est pas racontée par n'importe qui. Dominique Lorrain met en effet toute la rigueur de sa pratique de chercheur au service d’une analyse singulière de son espace de vie. Discours et faits sont patiemment compilés pour rendre visible un urbanisme du quotidien fait de petites touches et de grosses impasses, sans jamais permettre aux habitants et élus de débattre sur une trajectoire lisible de leur territoire. C'est un récit précis de la transformation chaotique d'un territoire, dont les analyses critiques peuvent être étendues à beaucoup d'autres.
Le samedi soir, il est agréable – voire préférable – de poster du Tom Gauld. pic.twitter.com/9rrlg85Mle
— Guillaume D. (@GDeleur) October 3, 2020
dixit.net est une agence de conseil et de recherche urbaine. Tous les mercredis, nous décryptons dans notre newsletter les grands enjeux de la ville et de ses transitions. Si vous la lisez pour la première fois, c'est le moment de...
