📙 Pour une Nouvelle Donne Foncière

📙 Pour une Nouvelle Donne Foncière

On Ă©voque souvent le bĂ©ton ou le bois, mais le foncier est la matière première essentielle de la fabrique de la ville. Jusqu’à rĂ©cemment, l’offre semblait inĂ©puisable. Certes, les prix de l’immobilier ne cessaient de grimper au cĹ“ur des mĂ©tropoles, mais le grignotage des terres agricoles permettait de maintenir une production Ă  peu près abordable. 

Mais entre le retour de taux d’intérêt à des niveaux normaux, la hausse des coûts de la construction et la nécessité de préserver nos terres agricoles, la machine s’enraye. Les valeurs s’envolent et la pénurie s’installe. Alors s’installer en ville relève du casse-tête pour les ménages modestes, les rez-de-chaussée ne savent plus bien à quoi ils servent et les activités productives ou sociales sont repoussées toujours plus loin. Et puis l’impératif de sobriété foncière nécessite aussi de se tourner vers le renouvellement urbain. Désormais, le foncier n’est plus une simple variable d’ajustement, mais une ligne de coût bien salée dans l’addition, pour les opérateurs comme pour les usagers finaux. C’est donc aussi la clef pour maintenir la diversité sociale et fonctionnelle de nos villes.

Alors, comment ne pas rĂ©percuter la raretĂ© foncière sur les prix des biens urbains essentiels ? Comment maintenir dans nos centres urbains des activitĂ©s vitales qui ne peuvent plus se payer la proximité ? Inventer un nouveau modèle Ă©conomique nĂ©cessite de se dĂ©tourner des tableurs Excel et de se plonger dans la DĂ©claration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Une rĂ©ponse s’inscrit en noir sur blanc, article 17 : « La propriĂ©tĂ© Ă©tant un droit inviolable et sacrĂ©, nul ne peut en ĂŞtre privé ». Rien n’est possible alors ? Non, car le reste de l’article est souvent oubliĂ© : « si ce n'est lorsque la nĂ©cessitĂ© publique, lĂ©galement constatĂ©e, l'exige Ă©videmment, et sous la condition d'une juste et prĂ©alable indemnitĂ©. ». Ainsi, la propriĂ©tĂ© n’est pas un droit absolu. Elle peut ĂŞtre contrainte, dans l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral. Un panel d’outils juridiques mĂ©connus s’y emploie dĂ©jĂ  : les baux constitutifs de droits rĂ©els. En dissociant la propriĂ©tĂ© du sol de la propriĂ©tĂ© des bâtiments, les mètres carrĂ©s retrouvent leur valeur d’usage. 

Nous nous sommes associĂ©s avec l’étude notariale Cheuvreux (Michèle Raunet), et l’amĂ©nageur EpaMarne (Vincent Le Rouzic) pour une action collective soutenue par la Fondation Palladio dans le cadre de l’UniversitĂ© de la Ville de Demain, avec pour objectif d’explorer concrètement le potentiel de la dissociation foncière pour des usages allant du logement aux activitĂ©s d’utilitĂ© sociale en passant par la fonction productive. Après un an d’enquĂŞte de terrain et d’analyse juridique, l’étude livre ses conclusions dans un ouvrage de synthèse qui montre l’intĂ©rĂŞt majeur que prĂ©sentent les contrats constitutifs de droits rĂ©els pour traiter de nombreux enjeux auxquels nous faisons face en termes de politiques publiques, depuis la maĂ®trise publique d’un foncier devenant rare et/ou stratĂ©gique jusqu’à la recherche d’un meilleur Ă©quilibre Ă©conomique des opĂ©rations. 

Dissocier la propriété est un levier économique pour rendre la ville de nouveau accessible. C’est aussi et surtout un levier politique, qui permet de refaire du sol un bien commun sur le long terme. Ces outils juridiques sont le socle d’un nouveau régime de propriété, une Nouvelle Donne Foncière qui pourrait sortir la fabrique de la ville de quelques impasses.

Pour une Nouvelle Donne Foncière

Commander la version imprimée ou le pdf gratuit
🔉
Pour aller plus loin...
Les effets d’un changement de rĂ©gime de propriĂ©tĂ© des sols se rĂ©percutent jusque dans nos pratiques architecturales et notre rapport intime Ă  notre habitat. Dans ce podcast dixit.net, Elissa Al Saad, doctorante au Centre de Recherche sur l’Habitat, nous prĂ©sente sa thèse “Pour une pensĂ©e architecturale de l’Anthropocène. Le sol comme milieu, la propriĂ©tĂ© comme facultĂ© d’habiter.” Elle creuse l’hypothèse que passer d’une propriĂ©tĂ© individuelle Ă  une propriĂ©tĂ© collective des sols serait une clef pour mieux prĂ©server leurs fonctions Ă©cologiques. Sans ĂŞtre suffisante Ă  elle seule, la propriĂ©tĂ© collective permettrait de changer nos pratiques constructives, la gestion des sols, et certainement l’ambiance lors des fĂŞtes de voisins. 

đź“… Le 2 juillet, les villes face aux feux de forĂŞt. La Fabrique de la CitĂ© organise un webinaire pour Ă©changer sur la gestion du risque de feux de forĂŞt, avec comme intervenants : Anne-Catherine Loisier, sĂ©natrice de la CĂ´te-d’Or et prĂ©sidente du groupe d’étude ForĂŞt et filière bois et Arthur GuĂ©rin-Turcq, doctorant et coordinateur du programme de recherche-action "Habiter les cendres”.

🗞️ Combien coĂ»te la renaturation des sols ? Dans cet article, les auteurs prĂ©sentent leur Ă©tude qui chiffre prĂ©cisĂ©ment les coĂ»ts des opĂ©rations de renaturation. Leurs conclusions dĂ©taillĂ©es Ă©claireront les acteurs dans la dĂ©finition d’une stratĂ©gie territoriale, et freineront sĂ»rement quelques ardeurs. (The Conversation)

🗞️ Les autres possibles #47 “Quand l’ocĂ©an frappe Ă  la porte”. Un beau numĂ©ro du nouveau format du magazine, entre reportage et analyse des enjeux de recul du trait de cĂ´te Ă  partir de la vie d’un village vendĂ©en qui voit la mer avancer.

« Jusqu'au début du xxe siècle, le risque de submersion était intégré dans la vie des communautés littorales. On ne construisait pas à certains endroits pour cette raison. Ça tenait aussi au fait que les gens naissaient, vivaient et mouraient sur la même localité : la connaissance des risques se transmettait. Aujourd'hui, le taux de renouvellement des habitants du littoral est très fort, ce qui entrave cette transmission, si elle n'est pas accompagnée par des actions culturelles. »

Read more