đŸ "Nos futurs"
En ce moment, la planification territoriale a la fĂącheuse tendance Ă se transformer en foire dâempoigne autour dâun tableur Excel. Câest une forme de lutte pour la place (artificialisable) obnubilĂ©e par un prĂ©sent simpliste, alors que lâon aurait bien besoin de travailler collectivement des futurs compliquĂ©s. Et si câĂ©tait le moment de renouveler la prospective territoriale ? Les crises Ă©cologiques imposent de regarder le temps long en face, et on observe ici et lĂ Ă©merger des dĂ©marches prospectives intĂ©ressantes. Elles sont souvent dĂ©couplĂ©es de lâĂ©laboration des documents de planification urbaine, et vont mĂȘme parfois jusquâĂ transgresser les frontiĂšres administratives. Jâai eu lâoccasion dâen suivre quelques-unes, mais surtout dâĂ©changer rĂ©cemment avec Hiba Debouk, qui est intervenue pour AREP dans plusieurs dĂ©marches de ce type. Je vous invite Ă Ă©couter cette discussion dans le podcast ci-dessous, dont je tire plusieurs pistes.
Dâabord, que le temps oĂč lâon se choisissait un futur est rĂ©volu. Non seulement les crises Ă©cologiques rĂ©duisent notre champ de libertĂ©, mais elles nous font rentrer dans une Ă©poque marquĂ©e par lâincertitude, ce sont les Trente Turbulentes. Affronter cette crise du brouillard commence donc par renoncer Ă arbitrer entre des scĂ©narios, pour garder les futurs toujours au pluriel, et regarder les plus inconfortables en face.
Mais sortir dâune planification dĂ©terministe qui pave le chemin vers un futur aussi optimiste que vain nâest pas non plus renoncer Ă notre capacitĂ© Ă agir pour inflĂ©chir les Ă©vĂšnements, bien au contraire. La prospective nâest pas un passe-temps thĂ©orique, câest un puissant moyen de passage Ă lâaction. Penser aprĂšs-demain permet de prendre aujourdâhui des dĂ©cisions Ă©clairĂ©es par le dĂ©tour prospectif, et de structurer des plans efficaces car adaptables. Câest justement parce quâil y a urgence Ă agir quâil faut plus que jamais regarder au loin.
Je retiens surtout de cette conversation que la prospective ne doit pas rester lâĆuvre dâexperts. «âNos futursâ» (pour reprendre le titre de lâexcellent podcast du CAUE de Haute-Savoie sur le sujet), sont de magnifiques sujets de conversation dĂ©mocratique qui doivent dĂ©sormais ĂȘtre pleinement entre les mains des citoyens. Ce sont aussi de formidables moyens de dessiner une vraie coopĂ©ration territoriale qui sera dĂ©terminante pour gĂ©rer les crises comme pour mener les transitions. Faire « nous » finalement. Et si sâimaginer des futurs communs, au-delĂ des frontiĂšres des institutions, Ă©tait le meilleur moyen pour faire territoireâ? Des lieux, des gens et des liens tissĂ©s en sâimaginant des futurs Ă soi, quoi de mieux pour revenir convaincu de la nĂ©cessitĂ© de mener collectivement les transitions nĂ©cessairesâ?
â Sylvain Grisot (Linkedin)
PS : Une fois n'est pas coutume, je vous propose dans d'écouter une conférence à laquelle j'ai participé récemment à Marseille. Pas pour mes belles paroles, mais pour celles de Mathilde Chaboche et Claire Demaison avec lesquelles j'ai partagé ce moment tout à fait singulier. Et voici les prochains rendez-vous de la Redirection urbaine :
- Ă Nantes jeudi 11 avril Ă 18h Ă la Maison de l'Architecture des Pays de la Loire
- Ă GenĂšve mardi 23 avril Ă 19h au Palladium
- Ă Fribourg mercredi 24 avril Ă 18h30 avec Archiclimat
30 et 31 mai Ă Evian, colloque «âPour une nouvelle utopie fonciĂšreâ?â». Un colloque organisĂ© par lâassociation fonciers en dĂ©bat avec lâEPF de Haute-Savoie, autour dâun thĂšme tirĂ© dâun texte ancien, mais plus que jamais dâactualitĂ© : «âPour une nouvelle utopie fonciĂšreâ?â». Chercheurs, Ă©lus, techniciens, Ă©changeront sur les multiples enjeux du foncier : sa valeur Ă©cologique, sa gouvernance, la concurrence quâil gĂ©nĂšre⊠(Informations et inscription)
đ» Crises du logement. LâĂ©mission «âCulture mondeâ» consacre 4 intĂ©ressantes Ă©missions Ă la crise du logement, ou les crises du logement telles quâelles font rage en Europe, Afrique du Sud, Chine ou en AmĂ©rique du Sud. Sous les formes trĂšs diverses quâelles prennent, ces crises ont en commun dâĂȘtre la rĂ©sultante dâune financiarisation du logement, mais aussi dâĂ©checs des politiques dâamĂ©nagement du territoire et de maĂźtrise fonciĂšre. (France Culture)
đïž Densification. Tous les acteurs de la fabrique de la ville, semblent dâaccord : la densification est la solution privilĂ©giĂ©e pour concilier objectif ZAN et besoins croissants de logement. Mais quâen est-il des Français, comment perçoivent-ils cette densificationâ? Cet article se base sur lâenquĂȘte ObSoCo/Chaire QualitĂ©s de Villes, pour nous Ă©clairer sur la vision quâa la population française des projets de densification. (the conversation)
đ Subsidence, par Camille Ammoun. Retrouvons avec plaisir Camille Ammoun dans ce trĂšs beau petit texte mi-essai mi-fiction, illustrĂ© de photographies de ce Liban qui glisse toujours plus bas. Il nous propose un regard critique du concept de rĂ©silience, sans cesse mobilisĂ© pour Ă©voquer la capacitĂ© du pays Ă supporter de nouvelles crises. Et si un autre terme issu de la gĂ©ologie Ă©tait plus adaptĂ© pour illustrer ce qui sây passeâ? Il nous propose celui de subsidence, «âaction de descendre au-dessous du niveau, affaissement.â» (Terre Urbaine)
(âŠ) la subsidence de Beyrouth nâest pas gĂ©ologique. Elle est, en revanche, partout ailleurs : dans ses Ă©paves et ses fantĂŽmes, ses systĂšmes et son mĂ©tabolisme, sa gouvernance et ses infrastructures, son Ă©conomie, sa sociĂ©tĂ© et chacun des individus qui la composent.