🏚️ Urbex et tourisme de l'abandon

🏚️ Urbex et tourisme de l'abandon
Detroit, Brandy Elementary School 

Des vitres brisées par le vent, des portes déplacées par des mains aventureuses, de longs couloirs déserts, des armoires ouvertes, éventrées, des brides de mémoires plurielles… Ces images nous plongent au coeur d’espaces abandonnés, marginaux, en ruine. Des espaces en friche, diraient les professionnel·les de la fabrique de la ville. Ils sont pourtant bien plus que cela, pour les praticien·nes de l’exploration urbaine, appelée plus communément “urbex”.

Cette pratique est née dans les années 1990-2000 suite à la chute du bloc soviétique en Europe et à une désindustrialisation massive dans certains territoires, faisant gonfler le nombre d’espaces en déshérence. Elle s’est par la suite popularisée via les réseaux sociaux, sur Youtude, Facebook et plus tard Instragram, par un corpus photographique et vidéo valorisant une esthétique propre à ces espaces. Ces aventurier·ères de l’abandon s’y mettent en scène, confrontent leurs émotions et leurs corps à ces passés effondrés et à ces futurs non advenus. La fierté de fouler ces espaces, en passant par l’exercice du corps en relation presque intime avec le bâti, et un sentiment de consternation face à l’écroulement du monde, se mélangent. On pourrait y voir un cri libertaire, une volonté de se réapproprier la ville et ses marges, où il est pourtant illégal d’y poser le pied. Pourtant, ce mouvement est extrêmement normé, et bien qu’il ne soit pas formalisé, de nombreuses règles tacites sont en vigueur : ne pas casser, laisser tel quel, protéger les lieux et les préserver en ne divulguant jamais l’adresse précise d’un site, etc…

La captation de ces moments d’exploration laisse apercevoir des imaginaires de la finitude des systèmes politiques et économiques, en montrant les cycles de production et de destruction continu de nos sociétés, via leurs bâtiments. L’urbex peut devenir alors un moyen de s’extraire de la ville moderne actuelle, en donnant à voir des destins moins glamours, faits d’usures, de déchets et de ruines. Ces amateur·ices de débris explorent les passés, font vivre des histoires plurielles grâce à leurs récits historiques des lieux, bien que cela reste très amateur. Ces photos et ces vidéos deviennent même des archives quand certains sites disparaissent ou se transforment, par renouvellement urbain.

Pourtant, les normes propres à l’urbex n’ont pas empêchés une nouvelle forme de tourisme de s’y développer. D’une pratique de niche très codifiée, certains espaces abandonnés sont maintenant maintes fois visités, donnant l’idée à quelques uns d’y proposer des promenades grisantes.  L’échange avec la chercheuse Aude Le Gallou pointe ces nouvelles pratiques à Berlin et à Detroit. Paradoxalement, ces lieux marginalisés deviennent normalisés, sous le regard plus ou moins bienveillants des institutions locales. Ces espaces délaissés sont récupérés par la ville qui les ramène dans son giron en les transformant en espaces de balades immersives et cadrées.

— Frédérique Triballeau (Linkedin)

PS : Une journée universitaire, architecturale et urbaine aura lieu le 4 avril à l'ENSA Toulouse en soutien à la réhabilitation des immeubles du Mirail. Vous pouvez aussi signer la pétition contre la démolition ici !

Berlin, Beelitz Baumkronenpfad

Entretien avec la chercheuse Aude Le Gallou, qui travaille sur la géographie urbaine, les friches urbaines et l'exploration urbaine, plus communément appelé "urbex". Nous avons parlé d'esthétique de l'abandon, de performances des corps, de tourisme plus ou moins légal, et de photographie.

📆 31 mars, à Nantes. Rencontre de l’AUGO sur la ZAN avec un expert du CEREMA, Loïc Guilbot. (AUGO)

🎙️Podcast. Entretien avec Stéphane Foucart, journaliste au Monde en charge des sciences de l’environnement. Son nom vous dit peut-être quelque chose, il a déjà révélé de nombreux scandales écologiques… Une interview riche et honnête, pleine de doute quant à la lecture de l’actualité. (Remarquables)

🏕️ Ecolieux et carbone. Les écolieux sont des espaces aux usages et visions multiples, et il serait bien dommage de les restreindre à leur seule empreinte carbone. Mais faire ce petit exercice de mesurer l’impact carbone se révèle néanmoins intéressant. Il faut dire qu’il est près de deux fois moins élevé par tête ( de 10t de CO2 par personne à 5) pour les personnes vivant dans ces espaces. Cela s’explique notamment par le logement, car il s’agit souvent d’habitats rénovés avec des matériaux plus écologiques et dont la source d’énergie se base sur le bois et l’électricité. Le rapport à la consommation de viande et des services en général est aussi bien moindre. Un problème persiste cependant : l’usage de la voiture et les longues distances à parcourir, car beaucoup d’écolieux sont en pleine campagne éloignés des centralités. A quand des écolieux dans de petites polarités existantes ? (The Conversation)

🙅🏻‍♀️ Renoncer pour construire l’avenir. Des projets, des services, des activités qu’il ne faut pas repenser, mais tout simplement abandonner. Malheureusement, on a l’impression que “renoncer” c’est ne rien faire, alors que c’est sûrement la première chose à faire dès maintenant. Et si on prenait le temps d’appuyer sur pause et de requestionner les projets : en a-t-on vraiment besoin ? En aura-t-on besoin dans 10 ou 20 ans à venir ? Si non, peut-on le faire autrement ? Et si on ne le fait pas, qu’est-ce que ça change ? (La gazette des communes)

📖 Cycle de la Tour de Garde, Capitale du Nord et Capitale du Sud, tome 2, par Claire Duvivier et Guillaume Chamanadjian (Aux forges de Vulcain, 2022). On vous a déjà parlé de cette série de romans fantastiques l’année dernière. Si les premiers tomes vous ont plu, les deuxièmes viennent de sortir et les troisièmes sont en cours d’écriture ! Loin des recommandations philosophiques, politiques ou sociologiques que nous vous faisons habituellement, celle-ci est vraiment pour lever le pied. Des héros et héroïnes romanesques aux aventures épiques dans des villes et des territoires toujours plus vivants.

dixit.net est une agence de conseil et de recherche urbaine. Tous les mercredis, nous décryptons les grands enjeux de la ville et de ses transitions. Si vous la lisez pour la première fois, c'est le moment de vous abonner à cette newsletter.

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