🏫 Construire en pensant à demain

🏫 Construire en pensant à demain

Il semblerait que ce ne soit officiellement plus une autoroute, mais ça y ressemble encore sacrément. Sur les 6 voies de l’autoroute du Soleil, camions et voitures déboulent le long du Rhône sur la rive Est de la Confluence à Lyon. La vue est magnifique, mais le bruit insupportable, impossible d’habiter là. C’est pour cela que cet immeuble tout juste livré n’accueille que des activités de bureau ou de formation, plus compatibles avec le contexte.

Mais tout cela ne durera pas. L’histoire va dans le sens de l’apaisement de cet axe encombrant en boulevard urbain que l’on imagine pacifié, étroit, planté et accompagné d’une promenade piétonne le long du fleuve. L’axe de transit deviendra alors un espace de vie, de nouveau habitable. C’est en prévision de cela que cet immeuble s’est pensé avec des futurs ouverts. Aujourd’hui bureau, demain il deviendra logement. Dans 10 ans, 20 ans peut-être, il pourra changer d’usage et les bureaux muteront à faible coût en logements de toutes tailles. Pour le promoteur, l’architecte et les ingénieurs, c’est un prototype. Il faut pousser loin la conception sur deux fronts, cumuler les contraintes réglementaires de chacun des usages, et trouver les bons compromis. C’est par exemple un plancher démontable qui permettra demain de repositionner les réseaux en toute liberté, au prix d’une surépaisseur des niveaux et de la perte d’un étage par rapport à un immeuble de logement standard.

Voilà une application concrète de la sous-optimalité chère à Olivier Hamant appliquée à la construction : les efforts supplémentaires de conception, les surdimensionnents ou les pertes de surface pénalisent la rentabilité d’aujourd’hui, mais elle permettra demain au bâtiment de vivre une seconde vie et d’éviter une déconstruction précoce. La nature tire de la sous-optimalité une robustesse qui lui permet de mieux parer les bouleversements du milieu. Le bâtiment lui aussi y tire une capacité d’adaptation aux changements du contexte urbain ou des usages, d’où l’importance de penser sa réversibilité quand ceux-ci sont évolutifs, pour éviter une obsolescence précoce.

Reste à convaincre les acteurs de la fabrique urbaine de l’intérêt de ce surcoût immédiat, et à maintenir la souplesse du bâtiment dans le temps long. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : construire pour durer, en pleine conscience de la matière, de l’énergie et de l’émission carbone sur toute la durée de vie du bâtiment, et pas seulement des enjeux économiques immédiats. C’est tout l’inverse des bâtiments jetables qui fleurissent ici ou là quand les marchés sont au beau fixe, dont l’obsolescence est programmée dans la piètre qualité de la construction et la suroptimisation du programme.

Il y a là fort à faire pour la réglementation, les aménageurs et les collectivités, mais les acteurs privés aussi, par la prise de conscience des enjeux et la transformation de leurs modèles d’affaires pour qu’ils s’alignent avec les limites planétaires. Les prototypes sont déjà sortis de terre, ce n’est donc plus le temps de l’expérimentation, mais bien de la généralisation.

— Sylvain Grisot (Twitter / Linkedin)

Dans le quartier de Lyon Confluence, Work #1 est un immeuble accueillant bureaux et ERP conçu pour être réversible en logements, anticipant la disparition à terme de la voie rapide située à proximité. Entretien avec Thibaut Gasteau, de Linkcity, qui nous raconte ce projet innovant.

· Le mardi 14 février, à la librairie Le Genre Urbain, au 60 rue de Belleville dans le 20ème arrondissement de Paris, Patrick Henry présentera son livre "Des tracés aux traces. Pour un urbanisme des sols". (Le Genre Urbain)

· Institution et urgence écologique. Interview de Christine Leconte, présidente de l’Ordre des Architectes, qui s’attache à comprendre si et comment une institution telle que l’Ordre peut agir face aux enjeux de l’urgence climatique. Plus globalement, c’est le rôle et les attentes du métier d’architecte qui est requestionné : “Je considère l’acte d’architecture comme une manière de spatialiser la démocratie. Notre rôle aujourd’hui est donc de trouver notre juste place, non au-dessus des autres mais à leurs côtés dans une forme d’agora.” L’occasion aussi pour nous de rappeler l’ouvrage qu’elle a co-écrit avec Sylvain “Réparons la ville!”. (Topophile)

· Bartender as community manager. Les communautés, les forums de discussions, ou les centaines de commentaires sous une publication twitter ressemblent finalement étrangement à un bar : les gens parlent forts et racontent beaucoup de connerie. Typiquement un bar du coin où on a bu trop de pastis et où l’on dit des choses qu’on ne dirait pas une fois sorti des murs. Une petite comparaison entre le web et les bars qui fait sourire, tout en étant plutôt convaincante : “It’s not always healthy, but we do it anyway”. (In English) (Powazek)

· Des paillettes sur le compost. Ecoféminismes au quotidien, Myriam Bahaffou (éditons le passager clandestin, 2022). Un essai d’écoféminisme plutôt radical qui s’oppose à la rhétorique essentialiste des "femmes natures". Femmes qui seraient toujours blanches, minces et valides, soit dit en passant. L’autrice revient à des situations concrètes et localisés de l’écoféminisme, en se réclamant d’une écologique du débordement, celle qui laisse la place aux émotions. Elle se confronte notamment à l’un des problèmes majeurs de l’écologie politique : son rapport aux classes sociales. Mais cela parle aussi de chat, d’animalité, de sexualité et de violence dite légitime de l’Etat.

J’ouvre ce livre en rabattant ouvertement la joie des écoféministes douces et sympathiques, qui m’insupportent au plus haut point. Car je crois que cette joie est factice, qu’elle maintient l’illusion que tout va bien, dans une harmonie artificielle de la pensée, comme si nous pouvions nous permettre d’être encore douces et sympathiques, dans un monde ultraviolent et structuré par des systèmes de domination si puissants.

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