🏗️ Mayotte : Comment (re)construire ?

Les départements français de l’Océan Indien ont été violemment percutés pendant l’été austral. Mayotte d’abord, qui subit les assauts du cyclone Chido le 14 décembre 2024. Puis c’est Garance qui frappe La Réunion fin février. Dans les deux cas, les vents provoquent des dégâts considérables, mais les deux îles n’encaissent pas le choc de la même façon. La difficulté de Mayotte à se relever montre à quel point l’île était fragile. Les retards pris sur les écoles, le logement social ou l’approvisionnement en eau démontrent les dysfonctionnements de la fabrique locale de la ville et la nécessité pour les pouvoirs publics à se coordonner et agir.
Pourtant, six mois après l’impact, seuls les bidonvilles sont vraiment reconstruits. Les gravats s’accumulent, les bâches couvrent toujours les toitures arrachées, beaucoup d’écoles attendent d’être réparées et le quotidien est rythmé par les robinets qui ne coulent que par intermittence. Sur l’île, les mahorais et mahoraises se débrouillent pour réparer ce qui peut l’être, les professionnels se démènent, mais la couverture médiatique s’estompe, les annonces politiques résonnent dans le vide et la (re)construction promise par l’État n’a toujours pas pris forme concrète.
Le cyclone Chido est une catastrophe dans la catastrophe. Misère, violences, crise sanitaire, tremblements de terre, pénuries d’eau, cyclone… À Mayotte, les crises font système. Alors l’urgence succède à l’urgence et l’hypothèse d’une continuité de la chute semble se confirmer chaque jour. Avec l’inaction de l’État, le risque est grand que se développe une forme d’accoutumance au mode dégradé, qui revient à accepter l’érosion progressive des conditions d’habitabilité de l’île.
Pourtant, une (re)construction est possible. C’est une fenêtre étroite où l’île s’invente un autre futur que celui qui a été écrit pour elle, en s’appuyant sur la seule ressource qui y est inépuisable : la créativité et la solidarité de ses habitants. ⏩ Ce rapport tente de tracer le chemin d’une (re)construction de l’île qui passe par une relance de l’aménagement et de la construction pensée non comme une fin en soi, mais comme le moyen d’amorcer une dynamique de développement endogène attentive à ses impacts sociaux. Une forme d’urbanisme vivrier, par et pour le territoire.
Mayotte est un territoire sentinelle confronté plus tôt que d’autres aux pénuries de ressources, aux chocs climatiques et à leurs conséquences sociales et politiques. La capacité du territoire à trouver l’étroit sentier vers un mode de développement endogène nous concerne donc toutes et tous. Car tous nos territoires connaîtront leurs propres défis dans les prochaines décennies. Notre aptitude collective à maintenir (ou pas) l’habitabilité de l’île pour ses 400 000 habitants malgré les crises est un bon indicateur de notre capacité future à adapter nos territoires dans les turbulences.
— Sylvain Grisot, juin 2025
Pour aller plus loin, le rapport à lire et à relayer dans vos réseaux :

📅 30 juin et 1er juillet, Journées de l’habitat participatif. Habitat Participatif France et le réseau national des collectivités pour l’habitat participatif organisent deux journées d’échanges à Strasbourg. Au programme de ces deux jours : conférences, tables rondes, ateliers et visites de projets inspirants.
📰 Anticiper les conflits d'usage des ressources - rapport du Shift Project. La décarbonation va au-delà du pétrole, créant une pression sur les ressources locales bas carbone (biomasse, bois, sol, eau...). L'Atlas 2050 du Shift Project analyse ces nouveaux conflits d'usage territoriaux. Ce rapport intermédiaire évolutif est ouvert aux contributions des acteurs de la transition.
📚 Habiter ensemble autrement (édition le passager clandestin, 2025). Partout en France, des s’imaginent de nouvelles manières d'habiter, fondées sur l'entraide, la solidarité ou encore l'écologie. Dans cet ouvrage, Anne-Sophie Clémençon et Michel Bernard retracent, à travers une cinquantaine d'exemples, différents modes d'habitat plus ou moins collectifs, allant des cités ouvrières et du paternalisme de la fin du XIXe siècle aux écovillages, en passant par les écoquartiers de France et d'Europe.