💬 la vie de Zan, saison 3

💬 la vie de Zan, saison 3

La vie de Zan est plus que jamais menacĂ©e. Souvenez-vous, Ă  l’épisode prĂ©cĂ©dent, iel avait Ă©chappĂ© de justesse Ă  une tentative d’assassinat au SĂ©nat, en se rĂ©fugiant in extremis au Palais Bourbon.

La poursuite du fugitif s’annonçait effrĂ©nĂ©e, mais on a perdu toute TRACE de la proposition de loi qui voulait faire la peau Ă  Zan. Elle s’est manifestement perdue entre le palais du Luxembourg et l’AssemblĂ©e nationale, ce qui a le don d’énerver ses rĂ©dacteurs. Ce sont des choses qui arrivent, vous savez, il n’y a que 2 km Ă  parcourir entre les deux chambres, mais les rues tortueuses sont propices aux embuscades parlementaires, et parfois les textes se prennent un coup d’agenda.

Attaque surprise

Zan reprenait donc tranquillement sa respiration quand il a subi une attaque surprise en plein Palais Bourbon. J’aurais pu me mĂ©fier pourtant. Quand une loi qui se revendique de « simplification » s’impose avec pour principal argument « le bon sens », il y a de bonnes chances qu’elle compile les Ăąneries. C’est d’abord le ministre de l’Industrie qui lance l’attaque en piquant 10 000 hectares Ă  un Zan sans dĂ©fense. Puis un article scĂ©lĂ©rat autorise Ă  « dĂ©passer jusqu’à 30 % » les surfaces amĂ©nageables « sans justification ». C’est comme si on ne verbalisait les excĂšs de vitesse sur autoroute qu’au-dessus de 170 km/h. 105 dĂ©putĂ©s se sont associĂ©s Ă  cet acte criminel, et seuls 97 dĂ©putĂ©s s’y sont opposĂ©s. Les 375 restants avaient sans doute piscine Ă  ce moment-lĂ . J’espĂšre que l’eau Ă©tait bonne, parce que leur absence de l’hĂ©micycle va avoir des impacts Ă  trĂšs long terme.

Ce ne sont pas des coups et blessures involontaires qu’a subis Zan, mais bien une tentative d’assassinat prĂ©mĂ©ditĂ©, planifiĂ© et revendiquĂ©. Pour Pierre Meurin, l’objectif Ă©tait bien de « vider complĂštement le ZAN de sa substance ». Quant Ă  Kevin Mauvieux, il se fait couturier : « Nous ne voulons plus du ZAN. Donc, Ă©videmment on cherche Ă  le dĂ©tricoter par tous les bouts de fil qui peuvent dĂ©passer ».

Évidemment, la disparition annoncĂ©e de milliers d’hectares de terres agricoles a mobilisĂ© la profession. Des dizaines de tracteurs sont montĂ©s vers Paris pour faire le siĂšge de l’AssemblĂ©e Ă  l’appel de la FNSEA, syndicat toujours attentif Ă  la sĂ©rĂ©nitĂ© des dĂ©bats et Ă  la protection des sols. Ah non, en fait ils mettaient la pression pour exiger la rĂ©autorisation de nĂ©onicotinoĂŻdes, pesticides aux effets dĂ©lĂ©tĂšres.

Zan contre-attaque

Mais rassurez-vous, la contre-attaque se prĂ©pare sĂ©rieusement. Un beau rapport, puis une proposition de loi transpartisane propose dĂ©sormais une vraie alternative. Il est trĂšs bien ce rapport, et je le dis d’autant plus facilement que je n’ai pas participĂ© Ă  sa rĂ©daction. Il propose d’abord de cesser de bricoler le Code de l’urbanisme en se limitant strictement Ă  corriger ce qui doit l’ĂȘtre, sans attenter Ă  la vie de Zan :

« les rapporteures recommandent, au contraire des dispositions examinĂ©es au SĂ©nat dans le cadre de la proposition de loi TRACE, de ne pas remettre en cause significativement l’ensemble de l’architecture concernant la trajectoire de lutte contre l’artificialisation des sols. »

Mais il s’attaque surtout au cƓur du sujet, autour duquel on tourne depuis le Plan biodiversitĂ© de 2018 : l’alignement de la fiscalitĂ© et du financement des collectivitĂ©s aux enjeux de sobriĂ©tĂ© fonciĂšre et la mise en place d’un modĂšle Ă©conomique viable pour le renouvellement urbain. Alors bien sĂ»r, ce n’est pas complet, ce n’est pas non plus le grand soir de la fiscalitĂ© locale, mais c’est une belle avancĂ©e.

La France qui avance

Et ça n’avance d’ailleurs pas qu’à Paris, vous lirez comment la Bretagne a pris le virage de la sobriĂ©tĂ© fonciĂšre dans cet intĂ©ressant tĂ©moignage de Laurence Fortin. C’est vrai qu’il y a peut-ĂȘtre un climat politique plus propice en Bretagne qu’ailleurs. C’est peut-ĂȘtre liĂ© aux taux d’humiditĂ© constants, au beurre salĂ© ou au sol granitique. C’est plus sĂ»rement le contrecoup de dĂ©cennies pendant lesquelles le territoire a largement tartinĂ© ses paysages de lotissements de petites maisons blanches aux toits d’ardoise et de boĂźtes Ă  chaussures. Le virage est pris dĂ©sormais, et on comprend que le consensus n’était pas acquis d’avance, car la Bretagne, qui parle d’une seule voix, sait aussi fort bien s’écharper Ă  huis clos. Mais les Ă©toiles, ça s’aligne, et pas tout seul.

Ce qui se passe en Bretagne est une bonne illustration de la France qui avance vers la sobriĂ©tĂ© fonciĂšre, qui fait moins de bruit que celle qui veut faire durer le vingtiĂšme siĂšcle. Il faudrait d’ailleurs qu’elle se fasse entendre cette France qui avance, et pas qu’en Bretagne. Pendant que certains cherchent Ă  faire disparaĂźtre Zan, d’autres travaillent sans relĂąche pour adapter les documents d’urbanisme : 70 % des SCOT sont en cours de rĂ©vision, 60 % ont fini de nĂ©gocier leur trajectoire de sobriĂ©tĂ© fonciĂšre en accord avec Zan et les deux tiers demandent de la stabilitĂ© lĂ©gislative.

Zan est gravement blessĂ©, mais misons sur la mobilisation de nos dĂ©putĂ©s, un dernier soupçon de conscience Ă©cologique gouvernementale et les alĂ©as du calendrier parlementaire pour lui sauver la mise. Les attaques qu’il subit font partie d’une sĂ©rie de reculs qui illustrent parfaitement ce qu’est le backslash Ă©cologique et la nĂ©cessitĂ© de tenir bon. Quand on est en guerre, il faut accepter de perdre des batailles, tout en gardant les yeux rivĂ©s sur l’objectif. Qui pensait sĂ©rieusement que nous allions rĂ©volutionner la fabrique de la ville et nos vies qui vont avec aussi simplement ? Et puis, quoi qu’il arrive, partout en France des Ă©lus locaux, des professionnels, des habitants ont compris qu’il fallait faire la ville autrement.

Merci pour ça, Zan.

Pour aller plus loin :

— Sylvain Grisot (Linkedin)

PS : Je suis Ă  MontrĂ©al pendant une dizaine de jours. Pour se voir autour d'un cafĂ©, envoyez-moi juste un mail, et on se retrouve de toute façon Ă  la librairie "Le Port de tĂȘte" (269 avenue Mont-Royal) mercredi 11/6 Ă  18h pour parler de la nĂ©cessaire Redirection urbaine !

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đŸŒŹïž Les abris ouverts : entre protection et exposition aux alĂ©as climatiques. Les catastrophes naturelles se multiplient et s’intensifient partout sur la planĂšte, menaçant l’habitabilitĂ© de nos territoires. Et une fois la catastrophe passĂ©e se pose la question de la reconstruction : faut-il rebĂątir Ă  l’identique ? Construire toujours plus rĂ©sistant pour faire face Ă  des risques qui s’intensifient ? Comment s’adapter ? Pour rĂ©pondre Ă  ces questions, Sylvain rencontre aujourd’hui Eric Daniel-Lacombe, architecte au bureau EDL et professeur titulaire de la chaire nouvelles urbanitĂ©s face aux risques naturels Ă  l’ENSA Paris La Villette. Dans cet Ă©pisode, Éric raconte ses expĂ©riences d’architecte, mais son rĂŽle de mĂ©diateur sur des territoires menacĂ©s ou sinistrĂ©s, afin de trouver le juste Ă©quilibre entre protection, sĂ©curitĂ© et exposition aux risques. Il ne s’agit pas de se barricader, et de construire toujours plus solide mais plutĂŽt d’apprendre Ă  vivre avec les alĂ©as, retrouver un lien au vivant, et Ă  la nature, et passer de la culture du risque Ă  la culture de la prudence. (podcast dixit.net )

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Il faut se méfier des discours de déploration à caractÚre généralisant. Et rappeler ceci : lorsque les conditions - démographiques, économiques, fiscales - sont correctes, les gouvernements urbains peuvent faire beaucoup.

Projet de sol (Bernardo Secchi)

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