👷 La foncière de Haute Savoie

👷 La foncière de Haute Savoie
Annemasse, ZAC Etoile Gare - EPF 74

Dans la région d’Annemasse, il se dit que les gens payés en euros ne peuvent plus se loger, tellement la proximité de Genève et de ses salaires en francs suisse pousse les prix vers le haut. Alors les ménages aux revenus normaux prennent de la distance. Mais la gentrification n’est pas que sociale, elle est aussi fonctionnelle. L’économie productive, celle qui fait de vraies choses, a aussi du mal à se payer le terrain nécessaire à son développement. Alors l’artisan peine à trouver un local, et la PME industrielle migre vers des cieux plus cléments. Et ils sont remplacés par un supermarché rutilant ou une grande enseigne de matériel sportif.

La croissance des valeurs foncières spécialise donc le territoire dans l’économie résidentielle, et ce n’est pas une bonne nouvelle. Une ville équilibrée a besoin d’accueillir toutes les catégories sociales et une vraie diversité de fonctions urbaines. La spécialisation est au mieux un leurre, et sans doute une erreur. Mais la proximité de Genève ne pose pas que problème, elle inspire aussi des solutions. C’est bien le précédent de la FTI qui inspire le développement de nouvelles façons de penser le développement économique à Annemasse et dans les collectivités qui l’entourent.

L’idée est de pérenniser l’usage productif de certains espaces par une maîtrise publique du foncier, permettant aux entreprises de construire sur un terrain qui ne leur appartient pas, sans subir la concurrence sur l’usage des sols d’autres fonctions plus rentables. On aurait dû voir apparaître un prototype ou un projet pilote à grand renfort de communication, permettant de développer un objet aussi vertueux qu’isolé. Mais ce n’est pas la voie qu’ont choisie les agglomérations de la rive française du lac Léman. Par des délibérations convergentes, elles ont renoncé à vendre le sol des zones d’activités économiques. Les entreprises pourront construire et investir dans la durée via des baux emphytéotiques ou des baux à construction, sur des sols qui resteront propriété publique, via notamment la foncière opérée par l’EPF74.

Ce bouleversement global des règles du jeu est probablement la condition du changement de comportement des entreprises, mais aussi des acteurs publics. Car c’est plus un changement de pratique qu’une innovation juridique. Le processus est pratiqué depuis des décennies, par exemple sur nos domaines publics portuaires qui ne peuvent être vendus, et donne une visibilité suffisamment longue pour permettre aux entreprises d’investir dans leur outil de travail. La durée du bail est synchronisée avec l’amortissement d’un investissement, un cycle immobilier, ou avec les étapes de vie de l’entreprise. Au-delà de permettre de maintenir un foncier accessible aux activités productives en pérennisant la destination de ces sols, le procédé évite aussi de lourdes procédures en cas d’enfrichement : l’entreprise défaillante n’étant pas propriétaire du sol, le recyclage urbain est très largement facilité.

Tout cela n’est pas théorique. C’est non seulement voté, mais mis en ouvre par l’EPF au gré de ses interventions sur le tissu existant : préemption pour éviter les mutations commerciales, rachats fonciers permettant d’éviter une délocalisation, accompagnement du mouvement des entreprises… Peu à peu les surfaces maîtrisées s’étendent et les habitudes se prennent. Mais à partir de quel seuil ces opérations ponctuelles auront elles un effet systémique ? Et puis tout ça nécessite aussi des moyens importants pour investir dans ce foncier. C’est sans doute préférable que de continuer à tartiner nos sols agricoles d’enrobé et de laisser les friches se multiplier, mais est-ce que ce modèle est transposable dans des territoires moins tendus ? Cela reste à démontrer, mais les millions d’euros d’argent public investis dans la résorption de friches ou la réhabilitation de zones d’activité économique interrogent sur la nécessité de remettre systématiquement la clef de ces sols dans les mains du marché.

— Sylvain Grisot (Twitter / Linkedin)

Annemasse, ZAC Etoile Gare - EPF 74

Visite d’opération autour d’Annemasse, en Haute Savoie, en compagnie de Philippe Veateenkiste et Loïc Alcaras de l’Etablissement Public Foncier 74, qui nous racontent comment les tensions sur les marchés immobiliers ont poussé à déployer une politique foncière très active sur le territoire.

📆 Jusqu’au 16 avril, vous pouvez proposer votre réalisation pour le prix APERÇUS d’architecture, d’urbanisme et d’aménagement 2023, mis en place par le CAUE de Loire-Atlantique. Le 16 avril, rdv en ligne pour une présentation sur les liens entre l'architecture et l'agriculture, avec l'Atelier Paysan et Renouveau Paysan. (Territoires Frugaux). Et jusqu’au 17 avril, participez au concours étudiants organisé par Cycle Up sur le thème du réemploi.

🎙️Emission. Très belle série de quatre épisodes dans l’émission LSD, par Elodie Font, qui se demande ce que veut dire être chez soi. On y parle d’amour, de cartons, de cocoon, de rupture, de manque d’espaces, d’hospitalité et de tout ce qui fait qu’on se sent bien, ou pas, là où l’on vit. (France Culture)

🤝 ZAN localement. Analyse de la mise en place de la ZAN dans la communauté urbaine du Grand Poitiers, par des étudiants de Paris-Dauphine. Celle-ci avait déjà des objectifs de réduction importants avant la promulgation de la loi. Cette étude montre pourtant toutes les contradictions qu’entraînent la mise en œuvre de la ZAN par des acteurs locaux d’un objectif défini par l’Etat. Se pencher sur une ville moyenne permet de mieux cerner les différentes mobilisations locales et les tensions autour de la densification qui reflètent des volontés d’aménagement antagonistes entre des communes proches de la centralité et celles plus éloignées. La ZAN vient questionner aussi fortement la construction de logements sociaux quand peu de réserves foncières publiques sont disponibles. Les débuts de solution semblent être dans une solidarité territoriale à activer et à mettre en cohérence dans les règlements d’urbanisme. (Fonciers en débat)

🎞 Documentaire. A l’occasion de la sortie du 6ème rapport d'évaluation du GIEC, on vous invite à découvrir ce très beau documentaire d’ARTE, l’Homme qui a mangé la Terre. Un incroyable travail d’archives pour comprendre les origines du réchauffement climatique, comme la transformation de la rue et de la ville par les “écraseuses”, surnom des voitures dans les années 1920. Ainsi que le lien entre guerre, pétrole et crise du logement après la Deuxième Guerre Mondiale. (ARTE)

📖 La pensée écologique, Timothy Morton (Zulma essais, 2021). Quand on aborde le look des lunettes écologiques, non seulement notre vision change, mais en plus, on ne voit plus que ça. Cela devient comme un “virus” dans tout notre mode de pensée. Cela demande aussi d’assumer la responsabilité de choses invisibles. Comment penser l’écologie, avec philosophie et humour ? Timothy Morton appelle à sortir de la nature, cette chose réifiée et fantasmée, pour penser grand, moderne et en interconnectivité. C’est à dire aller plus loin que l’action personnelle et locale qui ne seraient que des moyens de repousser l’étendue de la crise.

La pensée écologique doit interroger à la fois la posture de la science, sa froideur autoritaire et détachée, et les arguments nihilistes et arbitrairement anthropocentriques des sciences humaines, tout autant que la posture humaniste qui refuse une vision d’ensemble en se justifiant à coup d’arguments contre la “totalisation” - ce qu’on appelle se tirer une balle dans le pied. La pensée écologique parle de convivialité, d’étrangeté, d’infini et de proximité, de la “présence” excitante, et de l’ouverture, qui met les cerveaux en ébullition et nous laisse sans voix.

dixit.net est une agence de conseil et de recherche urbaine. Tous les mercredis, nous décryptons les grands enjeux de la ville et de ses transitions. Si vous la lisez pour la première fois, c'est le moment de vous abonner à cette newsletter.

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