À l'écoute des nouveaux désirs d’habiter du périurbain

À l'écoute des nouveaux désirs d’habiter du périurbain

Plus besoin aujourd’hui de démontrer la nécessité de préserver les espaces agricoles et naturels, de réduire les émissions carbone et les coûts de la mobilité, ou de réduire les impacts environnementaux de la construction… Autant d’arguments brandis contre la maison individuelle, neuve, associée à l’étalement urbain. C’est finalement la même trame argumentaire qui sous-tend les politiques publiques depuis la loi SRU (qui fête bientôt son quart de siècle), seul le vocabulaire varie : les limites planétaires imposent de densifier et se mettent en travers du modèle pavillonnaire. Un « il faut que » aux vertus écologiques réelles, mais aux effets très relatifs sur le réel : la maison individuelle reste, paraît-il, « plébiscitée par les Français ».

Il faut dire que la fabrique de la ville ne leur propose pas grand-chose d’autre, aux Français. Plus grave, le fait pour les classes moyennes d’accéder à la propriété par la construction d’une maison neuve en périphérie est au cœur d’un contrat social aujourd’hui remis en cause, sans proposition alternative lisible. C’est aussi un modèle de développement de nombreux territoires qui ont réussi à maintenir les écoles ouvertes, préserver les services publics et les commerces, et même retrouvé le chemin de la croissance en accueillant de nouveaux ménages, grâce à l'aménagement de lotissements à l’entrée du bourg. Citoyens et territoires sont légitimement attachés à ce modèle qui, disons-le, a fort bien fonctionné pendant un bon demi-siècle. Malgré le mépris dont peut parfois faire l’objet le « périurbain », constatons aussi qu’on y vit bien, en tout cas dans une bonne partie de ces territoires.

Mais ça, c’était avant. Car ce modèle s’effondre sous nos yeux et le changement s’impose aujourd’hui. Entre la montée des enjeux écologiques, les impacts de la dépendance automobile, l’accélération du vieillissement de la population, la peur de  l’isolement et les envies de proximité, la donne a changé. Les acteurs publics abordent depuis longtemps la densité comme un effort de pédagogie auprès des habitants pour faire peu à peu évoluer le rêve pavillonnaire. Ça a produit pas mal de belles publications sur la « densité désirable » qui mettent en avant nombre de bons exemples d’« intensité heureuse » et provoqué pas mal de débats intéressants au sein de la fabrique urbaine, mais finalement des effets limités sur le grand public.

C’est là que l’expérimentation « Désirs d’habiter » lancée par le Pôle Métropolitain Nantes Saint-Nazaire avec l’aide d’une équipe de chercheurs en sciences sociales, change utilement de point de vue. Menée avec la participation active des communes de Saint-Étienne-de-Montluc, Saint-Mars-du-Désert, Trignac et Rezé, c’est une fenêtre ouverte sur ce que pensent réellement les habitants des secteurs périurbains de leur habitat. Un premier pas essentiel pour tenter de réduire l’écart entre les aspirations citoyennes et les a priori portés par la puissance de la publicité et des médias. Or ce que montre cette étude est que, côté habitants, le temps n’est plus à la pédagogie : ils sont déjà en train d’esquisser de nouveaux parcours de vie beaucoup plus diversifiés qu’on ne le caricature dans les sondages.

Les consciences et les pratiques changent donc plus vite qu’on ne le croit. C’est d’autant plus important que d’un point de vue urbain et démographique, le problème s’est aussi déplacé. La question n’est plus désormais « comment rendre acceptable plus de densité dans les extensions urbaines », mais plutôt « comment mener la densification des espaces déjà urbanisés » et devrait déjà être « comment mener l’adaptation climatique du tissu urbain dans son ensemble ».

Pour les élus locaux, c’est un bouleversement. Leur rôle n’est plus celui de faire émerger un désir de changement et de rendre acceptable une « densité » dont on a de plus en plus de mal à comprendre ce qu’elle recoupe. C’est désormais de rendre lisibles les transformations en cours, et leur donner du sens dans un projet de territoire cohérent à l’échelle individuelle comme collective... Et c’est heureux.

Alors rentrons dans le cœur de cette étude, d’autant plus intéressante qu’elle n’est pas le travail de spécialistes de l’urbain. Elle part des habitants de façon sensible, pour comprendre ce qu’est pour eux un mode de vie désirable. Elle mobilise aussi un protocole d’enquête qui implique les agents des collectivités et les professionnels, et les confronte donc directement aux paroles habitantes. Focalisons-nous surtout sur une partie clef de cette étude : la vision des habitants. Parce que l’urbanisme est une question trop sérieuse pour être laissée entre les mains des seuls spécialistes.

L’idéal pavillonnaire n’est plus ce qu’il était

Le travail d’écoute habitante a une vertu : nous obliger à sortir du dualisme étanche entre « la maison individuelle est plébiscitée par les Français » et la stigmatisation systématique de ce modèle. Cette étude n’est ni pour ni contre le pavillon, elle est juste à l’écoute de ce que les habitants en disent, et justement « lorsqu’on prête l’oreille, l’idéal type du logement pavillonnaire avec grand terrain, ne semble, dans les faits, pas pleinement satisfaire celles et ceux qui y résident. »* Car si la maison individuelle est la référence par rapport à laquelle se positionnent les habitants faute d’alternative connue et désirable, elle est loin de répondre pleinement à toutes leurs aspirations. D’autant plus que celles-ci évoluent dans le temps.

L’espace intérieur comme extérieur est-il vraiment un atout du pavillon ? Pas nécessairement. Avec l’âge, ce qui était perçu comme un avantage devient paradoxalement une contrainte :

Des espaces trop grands deviennent une charge. Quand je vois le gouffre que c’est financièrement… Si je pouvais, je vivrais dans une maison mieux isolée ; je serais prête à avoir une pièce en moins, mais une maison mieux isolée. — Femme, 46 ans, Trignac
Avec un grand jardin, donc beaucoup de travail et vu l’âge… […] le motoculteur, la tondeuse, j’en avais marre. — Homme, 80 ans, Saint-Mars-du-Désert
Avec l’âge la maison à étage c’était trop d’entretien […] on a fait évaluer la maison […] et on nous a dit : « vous pouvez découper votre terrain ». On y a fait construire notre maison de plain-pied. — Femme, 69 ans, Trignac

Et le fait d’avoir de l’espace éloigne nécessairement de la vie des centres-bourgs, avec une dépendance d’autant plus forte à la voiture que les alternatives en transports en commun ou modes de déplacement doux se font plus rares dans les tissus moins denses évidemment :

La campagne quand tu es jeune, ça va, après quand tu vieillis… Faut avoir quand même une voiture parce que s’il n’y a pas de bus, il n’y a rien, c’est compliqué pour faire tes courses. — Femme, 50 ans, Trignac
[Ce qui me ferait déménager, c’est] le manque d’autonomie qui me priverait de moyens de transport : là je suis à 5 km du bourg. — Homme, 70 ans, Saint-Étienne-de-Montluc

En fait, la distance aux autres comme aux services peut provoquer un isolement qui inquiète, et s’intensifie avec le temps. Si se tisse parfois un réseau de voisinage sécurisant, ce n’est pas toujours le cas, et il finit par se distendre avec les changements de propriétaires.

[Ce qu’on n’avait pas anticipé] c’est peut-être l’isolement. On est isolés pour les transports, et on n’a pas beaucoup de voisins […] Moi la convivialité m’intéresse ! — Femme, 50 ans, Saint-Etienne-deMontluc
J’aurais aimé du voisinage qu’il apporte de l’entraide, du soutien […] c’est important d’avoir ces dynamiques aussi dans les lieux-dits, pour le moment on n’a pas réussi. — Homme, 38 ans, Saint-Mars-du-Désert

Derrière la façade, le pavillon cache donc bien des inconvénients pour ses habitants. Alors oui, éviter l’isolement en se rapprochant des centres pour être moins dépendant de la voiture nécessite de renoncer à des mètres carrés, mais pourquoi pas quand la surface est une charge ? Et si finalement « la densité urbaine ne devait pas être une fin en soi, mais qu’elle devait être la conséquence d’un fort désir d’habiter un territoire autrement » ?

Qu’est-ce qu’un habitat de qualité ?

Quand on demande aux Français non pas quelle forme urbaine ils plébiscitent, mais quelles sont les qualités d’un logement de qualité, ils ne répondent pas « grand et pas cher » mais accès à l’extérieur, calme et proximité. Autant de qualités présupposées du pavillonnaire, qui devraient aussi s’appliquer à d’autres typologies plus urbaines, et osons le dire, plus denses. Notre enquête permet d’aller au-delà de ces critères matériels du logement, grâce à son approche qualitative. Dix caractéristiques définissent un habitat de qualité. Elles portent sur le logement lui-même comme son environnement, et peuvent se résumer ainsi : c’est un cocon protecteur qui n’est pas facteur d’isolement mais au contraire générateur de lien social, situé à proximité immédiate de la nature comme des services.

Un cocon protecteur

Retour aux sources. La fonction première de l’habitat, c’est de protéger des intempéries comme du regard des autres. Pas étonnant donc qu’on recherche avant tout un logement qui offre sécurité, intimité, déconnexion, réduction du stress… Cela passe par une bonne isolation phonique comme par des espaces privatifs. Ces qualités ne sont pas propres au pavillon : n’importe quel logement bien conçu doit les offrir, qu’on en soit propriétaire ou locataire.

Le logement, c’est une sorte de petit cocon où on se repose un certain temps. — Homme, 67 ans, Trignac
En fait, le calme, c’est surtout important en rentrant chez moi le soir après le travail, ça me permet de me déconnecter et de me reposer réellement. — Homme, 44 ans, Saint-Etienne-de-Montluc

Souvent, la propriété est présentée comme nécessaire pour se sentir “chez soi”. Elle peut pourtant constituer aussi une prise de risque par l’engagement financier et le frein à la mobilité qu’elle représente. Les murs enferment plus qu’ils ne protègent lorsque les besoins changent plus vite que le remboursement du crédit. La location peut aussi sécuriser le parcours résidentiel en facilitant le changement de logement aux étapes clés de la vie, à condition que les locataires puissent s’approprier pleinement leur logement.

Un habitat générateur de lien social

Un cocon oui, mais ouvert sur le monde, ou en tout cas sur son quartier. Bien que l’image du voisinage soit bousculée, ces relations restent en fait très recherchées pour la convivialité comme pour se donner des coups de main. Tout l’enjeu est de trouver la bonne distance pour cohabiter un espace sans s’envahir.

Le voisin, dans l’imaginaire, c’est un problème, dans la réalité, c’est un soutien ou ça peut l’être si on va vers les autres. — Homme, 53 ans, Rezé
On habite dans une impasse avec 4 maisons, les gens s’arrêtent facilement, devant le garage […] on discute : l’impasse, ça aide les liens ! — Homme, 66 ans, Trignac
On se sent plutôt en sécurité, on connaît nos voisins. Quand on part, on sait qu’il y a un voisin pas loin. Le voisin, c’est quelqu’un qui est toujours là pour regarder s’il y a un souci, entendre et réagir si une alarme résonne. — Femme, 36 ans, Saint-Etienne-de-Montluc

Mais comment voisiner quand la composition du quartier se diversifie et que les différences sont de plus en plus marquées ? Avec le temps, les nouvelles générations arrivent et les familles qui se dé et re-composent, la convivialité est parfois moins évidente qu’aux premières années. La cohabitation ne se fait pas sans frictions, qu’il faut réapprendre à gérer.

La qualité du cocon est en fait conditionnée par celle du voisinage. D’où l’importance pour la collectivité d’être attentive à ces relations du quotidien, qui sont aussi les principaux facteurs de résilience en cas de coup dur . Quitte à s’impliquer directement dans la vie des quartiers, comme le préconise l’étude  : « Par sa qualité d’accueil et son animation, la collectivité a un rôle à jouer dans les relations de voisinage et la vie de quartier ». Il faut pour cela des moyens humains, mais aussi des aménagements favorables aux liens du quotidien. La présence d’espaces publics accueillants, d’espaces partagés, d’équipements mutualisés, de logements coopératifs sont le terreau fertile de liens sociaux de proximité. Cette « proximité » s’entend d’ailleurs de manière de plus en plus élargie : habitants dans la même rue, le même immeuble, mais aussi du quartier sont maintenant considérés comme nos « voisins ».

La nécessaire proximité aux services et à la nature

On cherche donc un cocon capable de s’articuler avec le monde. Les habitants cherchent à concilier une double proximité. Celle à une nature qui ne se réduit pas à un jardin individuel, et celle aux services de proximité qui doivent être accessibles sans prendre sa voiture. Les enjeux de mobilité sont donc essentiels et la possibilité de se déplacer à pied, à vélo ou en transports en commun pour les besoins du quotidien est un vrai avantage. Mais elle est conditionnée par la localisation du logement et par la qualité des infrastructures de mobilités alternatives :

[L’avantage] c’est ne pas avoir à faire trop de route matin et soir, on est proche du boulot, on peut même y aller en vélo ! […] On prend de moins en moins la voiture, il y a une piste cyclable pas loin de la maison et on arrive directement à Certé, ça facilite beaucoup les choses !  — Homme, la trentaine, Trignac
Mon principal critère de choix : l’accessibilité : les transports en commun pour les enfants, je voulais un endroit où ils puissent se débrouiller seuls. — Femme, 56 ans, Rezé
Le désir de proximité à la nature et aux services peut même justifier des compromis sur les formes urbaines et l’environnement urbain : C’est sympa d’avoir l’impression d’être vite en forêt, en campagne. Je pense que le quartier est dense, mais ce n’est pas gênant, il est bien aéré. — Homme, 38 ans, Rezé
Le jardin c’est négociable, ce qui compte c’est un espace vert, qui peut être partagé. Si pas de jardin demain, c’est pas bloquant. — Femme, 29 ans, Saint-Mars-du-Désert

Les glissements à opérer

Résumons : un cocon, des voisins et la proximité à la nature comme aux services. C’est non seulement la définition de ce que devrait déjà être la vie dans les villes petites et moyennes, mais ce sont aussi des désirs pleinement compatibles avec les limites planétaires. Il n’y a donc pas de sacrifices à faire accepter, ou de nouvelles formes urbaines à inventer. Il y a par contre des changements importants par rapport aux habitudes et aux références culturelles que nous partageons depuis quelques décennies. Alors, comment rassurer face au changement ? Comment donner envie de ce changement ? C’est évidemment une question que se posent quotidiennement les élus locaux confrontés à des demandes habitantes souvent contradictoires.

Du logement à l’habitat

Il faut sans doute commencer par un premier glissement. La seule manière de répondre à ces aspirations est d’élargir le débat au-delà du seul logement. Ce n’est plus le seul espace privé délimité par quatre murs et une clôture qui est en question, mais bien l’habitat, au sens d’une expérience de vie dans un environnement beaucoup plus large. Le logement est une des pièces du puzzle pour créer un environnement urbain favorable à la santé de ses habitants. Il est une ressource en lui-même car il offre confort et calme, mais il est surtout une porte d’entrée sur “la vie qui va avec” : le quartier, le lien social, les espaces de nature. Le quartier et les mobilités font donc partie intégrante de cet habitat à repenser.

De l’habitat au parcours de vie

Un deuxième glissement est à opérer, temporel cette fois. Passer de l’habitat aux parcours de vie des habitants, c’est introduire le temps long dans la réflexion. Parce qu’un habitat de qualité doit être capable de répondre à des besoins qui évoluent au cours de la vie. Il s’adapte à chaque étape de la vie quand cela est possible, mais le déménagement s’impose parfois quand le logement n’est plus adaptable ou sa localisation plus adaptée. La notion de parcours de vie est utile pour s’attaquer à l’une des dimensions du mal-logement : celle associée au vieillissement d’une partie de la population, qui vieillit mal dans des maisons trop grandes, lourdes à gérer et trop isolées de la vie. Pour bien vieillir chez soi, il faut parfois changer de chez-soi. C’est un mouvement qui doit s’opérer tôt, avant que les difficultés ne surviennent, et qui pourrait être accompagné par les pouvoirs publics car il présente nombre d’intérêts collectifs : permettre le maintien à domicile, activer les centres villes par la présence d’une nouvelle population de séniors, et libérer de grandes maisons.

Du neuf à la transformation de l’existant

Le dernier glissement est le moins évident, puisqu’il nécessite de recoudre dans le bon sens à la fois la représentation collective de la fabrique de la ville et la façon dont nos histoires de vie s’articulent avec elle. La projection dans le pavillon n’est pas qu’une forme urbaine mais le symbole d’un processus de production de la ville qui associe consommation d’espace agricole, construction neuve, déplacement vers la périphérie, endettement des ménages et accession à la propriété.

Mais ce modèle s’essouffle, et ce n’est pas à cause d’une quelconque contrainte réglementaire. La machine déraille sous l’effet de plusieurs facteurs : la baisse de la natalité qui réduit les besoins, le vieillissement de la population qui entraîne une sous-occupation chronique des maisons existantes tout en créant de nouveaux besoins, et la hausse des prix de la construction comme des taux d’intérêt qui brise les parcours des primo-accédants.

D’un point de vue collectif, il faut de toute façon réduire les impacts de la construction neuve, protéger nos terres agricoles, ramener de la vie dans les centres-villes et trouver des solutions pour adapter les lotissements vieillissants aux besoins d’aujourd’hui comme au climat. Le temps est désormais à l’adaptation et à la transformation du tissu urbain existant, et cela change tout. La pratique des professionnels comme nos représentations : un habitat de qualité peut prendre d’autres formes qu’un pavillon.

Inventer un nouveau contrat social par le local ?

Alors, comment passer le cap de la transition vers d’autres modes d’habiter ? L’accent est souvent mis sur la qualité des espaces. Le design de l’espace public comme du bâti est évidemment un levier pour générer du lien social et de la qualité de vie pour les habitants. Mais le premier levier est politique : c’est un récit qui donne envie d’engager les changements personnels et collectifs. Un récit qui tente de fonder un nouveau contrat social. Un récit à tisser depuis le territoire vécu, autour de cinq fils qui touchent directement la vie quotidienne des habitants.

Tisser la vie des courtes distances

Le premier fil à tirer est celui de la proximité, comme levier pour sécuriser et émanciper. Les paroles habitantes témoignent d’une envie de pouvoir laisser la voiture au garage pour les trajets du quotidien, de la volonté que les enfants soient aussi autonomes dans leur mobilité. Il y a une aspiration au confort, sans doute aussi la volonté de limiter ses impacts, mais monte aussi l’angoisse de la dépendance automobile, parallèlement aux fluctuations du prix du carburant et au vieillissement des habitants du périurbain.

La proximité est la réponse politique à apporter à ces inquiétudes et aspirations. La proximité à la nature sous toutes ses formes, la proximité aux commerces, services comme aux transports en commun. Une proximité qui permet de se déplacer à pied ou en vélo sur des infrastructures adaptées, quitte à changer le tissu urbain pour bénéficier de tout cela. Alors les jardins se réduisent, les maisons s’accolent, les étages s’empilent et apparaissent quelques immeubles, toujours accompagnés d’espaces publics qui se végétalisent et se pacifient. Nos liens y gagnent !

Vanter le charme de l’existant

Miser sur la proximité nécessite de se pencher sur l’existant. Pour les collectivités et les professionnels de la ville, cela signifie engager le grand cycle de renouvellement et de densification des cœurs de ville comme des quartiers pavillonnaires. Un travail dans la dentelle qui est plus qu’un changement d’objet. Il nécessite un changement de méthode et souvent de métier, mais partout le virage est engagé.

Reste à mettre en récit ce changement, car c’en est aussi un pour les habitants. Alors que le parcours de vie passait naturellement par la construction d’une maison neuve, il doit désormais prendre d’autres chemins : rénover un appartement dans la centralité, transformer un pavillon en habitat du XXIe siècle, insérer une maison neuve dans un lotissement vieillissant, construire quelques appartements sur le toit d’une copropriété… Les chemins de l’habitat de demain se diversifient mais doivent encore être éclairés et facilités. Il va donc falloir vanter les charmes de l’existant, mais également accompagner celles et ceux qui s’engagent dans cette voie. Voilà un beau rôle pour la Collectivité qui ne peut plus se suffire d’administrer son PLUi, mais doit faciliter, animer, cette nécessaire adaptation de l’existant.

Miser sur les liens

Ne plus être seul. C’est le troisième fil de ce nouveau contrat social qui repose sur des liens sociaux vivants. Ces liens sont recherchés pour le sentiment de sécurité et d’appartenance qu’ils procurent. Comment les collectivités peuvent-elles accompagner ce désir ? La mutualisation d’espaces ou d’équipements, l’organisation d’événements est le prétexte parfait pour faire naître les échanges entre voisins. C’est en « se retrouvant autour d’un commun », matériel ou non, que l’on passe de vivre côte à côte à vivre ensemble. Les mentalités des habitants sont bien plus prêtes à ce partage qu’on ne le pense en général. La posture de l’élu local est donc d’être le garant, l’animateur et le facilitateur des équilibres de cohabitations créés. Ce n’est pas qu’un arbitre, il pourrait prendre l’initiative pour favoriser l’intégration des nouveaux arrivants, comme le maintien des relations existantes.

Penser l’habitat par le parcours

Entre les mobilités professionnelles qui s’accélèrent, les séparations, l’irruption du travail dans le logement, la baisse de la natalité ou le vieillissement de la population, les modes de vie se diversifient. Alors le parcours résidentiel se fait moins linéaire, et le logement comme l’organisation de nos territoires doivent avoir la souplesse nécessaire pour suivre nos vies. Des logements qui s’adaptent à l’arrivée des enfants comme à leur départ, des locataires qui deviennent propriétaires comme des propriétaires qui deviennent locataires, des jeunes retraités qui font le choix de changer de chez soi pour mieux y vieillir… Design d’espaces adaptables, diversification des modes de détention et de financement, disponibilité d’une offre sur toute la chaîne…

Le rôle de la collectivité et des acteurs de la fabrique urbaine est désormais de fluidifier les parcours résidentiels, et aussi de diversifier les imaginaires pour faire connaître des formes d’habitat qui répondent aux aspirations des habitants : habitat intermédiaire, participatif, colocation intergénérationnelle… Les collectivités peuvent pousser cette dynamique en saisissant toutes les opportunités de transformation de l’existant pour proposer ces formes alternatives.

Chérir les cobénéfices environnementaux

Et la planète dans tout ça ? Elle n’apparaît qu’à la fin, pas parce qu’elle est secondaire, mais parce qu’elle est partout. Les bénéfices environnementaux tirés de ces nouveaux modes d’habiter plus proches, plus intenses et plus variés sont multiples et cruciaux : préservation des sols et de l’infiltration des eaux, réduction des émissions de gaz à effet de serre liées à la construction et aux transports, préservation des zones agricoles et donc santé globale.

Les nouveaux modes d’habiter ne sont toutefois pas nés sous la contrainte d’une réglementation environnementale, des limites planétaires ou de la volonté d’un document d’urbanisme. Ils sont nés d’un désir exprimé lors de l’enquête, tissés fil par fil pour esquisser une image lisible, et leurs cobénéfices environnementaux sont immenses. Les transitions urbaines ont ceci de particulier qu’elles sont désirées et ne sont pas des sacrifices. C’est le chemin qui fait peur, pas la destination. C’est une magnifique opportunité pour en écrire un récit politique territorial positif, qui éclaire ces chemins et donne envie du changement.

Ce récit s’écrit nécessairement depuis le local. Il permet de rendre lisibles les articulations entre les désirs d’habiter des habitants, le devenir du territoire et les transitions. À chacun et chacune de suivre à sa manière les fils de la proximité, du déjà-là, des liens, du parcours et de leurs cobénéfices environnementaux. Un récit ne suffira toutefois pas. Il doit être incarné par les élus et crédibilisé par des actes, des actions à bas bruit, par l’écoute, le dialogue, au porte-à-porte, sans inauguration finale. C’est une démarche fine et humaine sur les logements comme sur les imaginaires, pour donner forme concrète à ces nouveaux désirs d’habiter dans la ville déjà là.

— Sylvain Grisot (LinkedIn)

Pour aller plus loin :

Désirs d’habiter : Le cahier d’expérimentation est en ligne ! - Pôle métropolitain Nantes — Saint-Nazaire
Menée avec la participation active des communes de Saint-Etienne-de-Montluc, Saint-Mars-du-Désert, Trignac et Rezé, c’est une fenêtre ouverte sur ce que pensent réellement les habitants des secteurs périurbains de leur habitat. Un premier pas essentiel pour tenter de réduire l’écart entre les aspirations citoyennes et les a priori portés par la puissance de la publicité et…