💕 Écouter les nouveaux désirs d’habiter
Plus besoin aujourd’hui de démontrer la nécessité de préserver les espaces agricoles et naturels, de réduire les émissions carbone et les coûts de la mobilité, ou de réduire les impacts environnementaux de la construction… Autant d’arguments brandis contre la maison individuelle, neuve, associée à l’étalement urbain. C’est finalement la même trame argumentaire qui sous-tend les politiques publiques depuis la loi SRU (qui fête bientôt son quart de siècle), seul le vocabulaire varie : les limites planétaires imposent de densifier et se mettent en travers du modèle pavillonnaire. Un « il faut que » aux vertus écologiques réelles, mais aux effets très relatifs sur le réel : la maison individuelle reste, paraît-il, « plébiscitée par les Français ».
Il faut dire que la fabrique de la ville ne leur propose pas grand-chose d’autre, aux Français. Plus grave, le fait pour les classes moyennes d’accéder à la propriété par la construction d’une maison neuve en périphérie est au cœur d’un contrat social aujourd’hui remis en cause, sans proposition alternative lisible. C’est aussi un modèle de développement de nombreux territoires qui ont réussi à maintenir les écoles ouvertes, préserver les services publics et les commerces, et même retrouvé le chemin de la croissance en accueillant de nouveaux ménages, grâce à l'aménagement de lotissements à l’entrée du bourg. Citoyens et territoires sont légitimement attachés à ce modèle qui, disons-le, a fort bien fonctionné pendant un bon demi-siècle. Malgré le mépris dont peut parfois faire l’objet le « périurbain », constatons aussi qu’on y vit bien, en tout cas dans une bonne partie de ces territoires.
Mais ça, c’était avant. Car ce modèle s’effondre sous nos yeux et le changement s’impose aujourd’hui. Entre la montée des enjeux écologiques, les impacts de la dépendance automobile, l’accélération du vieillissement de la population, la peur de l’isolement et les envies de proximité, la donne a changé. Les acteurs publics abordent depuis longtemps la densité comme un effort de pédagogie auprès des habitants pour faire peu à peu évoluer le rêve pavillonnaire. Ça a produit pas mal de belles publications sur la « densité désirable » qui mettent en avant nombre de bons exemples d’« intensité heureuse » et provoqué pas mal de débats intéressants au sein de la fabrique urbaine, mais finalement des effets limités sur le grand public.
C’est là que l’expérimentation « Désirs d’habiter » lancée par le Pôle Métropolitain Nantes Saint-Nazaire avec l’aide d’une équipe de chercheurs en sciences sociales, change utilement de point de vue. Menée avec la participation active des communes de Saint-Étienne-de-Montluc, Saint-Mars-du-Désert, Trignac et Rezé, c’est une fenêtre ouverte sur ce que pensent réellement les habitants des secteurs périurbains de leur habitat. Un premier pas essentiel pour tenter de réduire l’écart entre les aspirations citoyennes et les a priori portés par la puissance de la publicité et des médias. Or ce que montre cette étude est que, côté habitants, le temps n’est plus à la pédagogie : ils sont déjà en train d’esquisser de nouveaux parcours de vie beaucoup plus diversifiés qu’on ne le caricature dans les sondages.
Les consciences et les pratiques changent donc plus vite qu’on ne le croit. C’est d’autant plus important que d’un point de vue urbain et démographique, le problème s’est aussi déplacé. La question n’est plus désormais « comment rendre acceptable plus de densité dans les extensions urbaines », mais plutôt « comment mener la densification des espaces déjà urbanisés » et devrait déjà être « comment mener l’adaptation climatique du tissu urbain dans son ensemble ».
Pour les élus locaux, c’est un bouleversement. Leur rôle n’est plus celui de faire émerger un désir de changement et de rendre acceptable une « densité » dont on a de plus en plus de mal à comprendre ce qu’elle recoupe. C’est désormais de rendre lisibles les transformations en cours, et leur donner du sens dans un projet de territoire cohérent à l’échelle individuelle comme collective... Et c’est heureux.
Alors rentrons dans le cœur de cette étude, d’autant plus intéressante qu’elle n’est pas le travail de spécialistes de l’urbain. Elle part des habitants de façon sensible, pour comprendre ce qu’est pour eux un mode de vie désirable. Elle mobilise aussi un protocole d’enquête qui implique les agents des collectivités et les professionnels, et les confronte donc directement aux paroles habitantes. Focalisons-nous surtout sur une partie clef de cette étude : la vision des habitants. Parce que l’urbanisme est une question trop sérieuse pour être laissée entre les mains des seuls spécialistes.
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Ă€ l'agenda
- Assister à l'exposition nationale Territoires en transition sur la sobriété foncière organisée par l'ENSA Nantes et la Région Pays de la Loire, du 5 au 19 décembre. Des conférences, tables rondes, visites et causeries impliquant des acteurs de l’aménagement et la communauté scientifique, pédagogique et de recherche.
Et maintenant vous pouvez...
- Candidater au poste de post-doc ouvert par le Laboratoire Bordeaux Sciences Économiques dans le cadre du programme national de recherche-action POPSU Transitions. Les travaux porteront sur la production d’enquêtes et de données sur les transitions urbaines issues de ce programme.
- Lire la Lettre aux 500 000 élus municipaux, Nicolas Rio et Manon Loisel y abordent un sujet clef : les contre-pouvoirs, trop souvent absents à l'échelon local :
"La capacité à exprimer des divergences dans les choix d’action publique est un élément clé de la résilience démocratique. Et cela, quelle que soit la taille de la commune ! La possibilité d’un débat contradictoire constitue aussi un garde-fou à la constitution de « baronnies locales » où l’allégeance au chef devient l’unique principe de gouvernement.
- Lire “Ce que voisiner veut dire”, par Joanie Cayouette-Remblière et Jean-Yves Authier (dir.) aux PUF. Nous avons tous des voisins. Mais voisine-t-on de la même façon dans un quartier bourgeois de métropole que dans les grands ensembles en rénovation urbaine, ou que dans une commune périurbaine rurale ? Est-ce que nos liens de voisinage sont les mêmes à 20 ans qu’à 50 ou 70 ? Allant au delà des chiffres pour s’intéresser à la qualité de nos liens de voisinage, cette belle enquête sociologique recoupe les sujets d’individualisme, de tolérance, de vivre ensemble.
- Écouter Ce(ux) que l'eau déplace, une intéressante série de courts podcasts sur la montée des eaux réalisés par des étudiants de ScPo. De Blois à la vallée de la Roya, il donne la parole à celles et ceux qui se confrontent au réel.
- Lire l’article de Métropolitiques « La construction politique des besoins en logements ».
Estimer le nombre de logements à construire n’est pas une simple opération technique mais engage, derrière le choix des paramètres, des visions politiques du présent et de l’avenir.

