📝 Bison Futé prend le virage du logement social

Le besoin de logements sociaux ne cesse de croître à mesure que la crise du logement s'étend, touchant de plus en plus de gens. Les chiffres du 30e rapport sur l'état du mal-logement en France de la Fondation pour le Logement parlent d'eux-mêmes : 4,1 millions de personnes vivent en situation de mal-logement, dont plus d'un million n'ont pas de logement personnel et vivent à l'hôtel, chez un proche, ou à la rue. Du côté de l'offre, produire rapidement des logements de qualité et abordables se révèle complexe : les coûts de construction augmentent, les chantiers s'allongent, et les fonciers disponibles se raréfient. Le bâti vacant est une piste intéressante, mais la démolition-reconstruction a un coût écologique important et la réhabilitation peut vite se révéler une opération coûteuse et longue. À moins que…
Et si le modulaire et la construction hors-site constituaient une réponse à ces problématiques ? C'est en tout cas l’idée de l'atelier d'architecture CANAL, qui transforme les anciens bureaux de Bison Futé en résidence sociale de 169 logements. Ils seront à destination des résidents du Foyer de Travailleurs Migrants Allemane, qui vivent aujourd'hui dans des conditions de suroccupation et d'insalubrité. Le livre "AMI Bison Futé" publié par Canal Architecture retrace l'histoire de ce projet, depuis la conception modulaire jusqu’à la programmation des usages. Il fait prendre de la hauteur sur ces enjeux à travers de nombreux entretiens.
Lorsqu’ils répondent au concours lancé par Batigère Habitat Solidaires pour la rénovation du l’ancien siège de Bison Futé, CANAL propose le recours aux modulaires et à la préfabrication pour rénover et agrandir le bâtiment. Ils espèrent ainsi une opération plus rapide et plus économique. Effectivement la construction hors-site réduit les temps de chantier puisque deux chantiers sont menés en simultané : d’un côté les travaux sur site de révision de la structure béton et des réseaux techniques, et de l’autre le chantier hors-site où sont fabriqués les logements modulaires en bois. Par ailleurs, la production de 169 studios similaires permet d’industrialiser une partie de la conception et de réaliser des économies d’échelles. Mais attention, l'industrialisation d’une partie de la fabrication ne signifie pas une standardisation du produit. Ces derniers ont été conçus selon trois gabarits différents afin de s’adapter parfaitement à la forme en demi-cercle de la structure.
Le modulaire s’adapte au bâtiment mais aussi aux besoins de ses futurs usagers. En effet, les usages et les modes d’habiter ont occupé une large partie des réflexions de l’atelier d’architecture. Suite à la visite de l’actuel Foyer de Travailleurs Migrants, l’atelier se rend compte que le projet d’habitat individuel ne correspond pas toujours aux modes de vies des habitants, qui accordent par exemple une grande importance aux repas pris en commun et au collectif en général. Dès lors, ils organisent des visites, rencontres et enquêtes de terrain pour essayer de répondre au mieux aux attentes des futurs résidents, mais aussi du gestionnaire des lieux.
Le projet est lauréat en 2022 l'appel à manifestation d’intérêt « Engagés pour la qualité du logement de demain », porté par les ministères de la Culture et du Logement et l’EPAU. Cet appel à manifestation d’intérêt distingue des opérations qui explorent de nouvelles façons de concevoir, en intégrant qualité d’usage, transition écologique, et sobriété foncière. Il met en avant une approche qui allie réemploi du bâti existant, construction modulaire préfabriquée et prise en compte attentive des modes de vie des habitants.
Si la construction hors-site et la préfabrication apportent des réponses concrètes à de nombreuses problématiques actuelles, elles imposent également de repenser les modes de conception. De nouvelles compétences deviennent nécessaires : l’architecte doit travailler étroitement avec les constructeurs, coordonner simultanément le chantier sur site et la fabrication hors-site, et gérer une complexité accrue dans le dialogue technique et opérationnel. Cependant, il est important de rappeler que le modulaire ne constitue pas une solution universelle à toutes les situations. Comme le souligne l'architecte Guillaume Hannoun :
"Si le hors-site peut apparaître comme une solution, un moyen de rendre la construction plus abordable et de favoriser l’usage de matériaux biosourcés, il ne s’agit pas d’en faire un dogme. Le hors-site est peut-être une réponse globale, mais certainement pas universelle."
Loin d’imposer une solution standardisée, et uniforme, le modulaire, par sa flexibilité et sa capacité d’adaptation, représente un outil de plus pour les architectes.
Pour aller plus loin :
- L'AMI Bison futé, le livre.
- Présentation du projet Bison Futé lauréat de l'AMI Engagés pour la qualité du logement de demain
- L'AMI Engagés pour la qualité du logement de demain
— Camille Tabart (LinkedIn)
PS : Vous pouvez rencontrer et échanger avec Sylvain :
- A Montréal mercredi 10 juin à 18h, à la librairie "Le Port de tête" (269 avenue Mont-Royal)
- Le 17 juin à Nantes avec Lucile Garnier, chercheuse et architecte, lors l'assemblée générale de l'association nantaise ECOS, pour une conférence : «Demain, toutes et tous jardinier·es ?».
📅 Le 20 juin, Journée d'études de la Chaire Transition foncière. La Chaire Transition foncière vous invite à sa prochaine journée d'études consacrée aux inégalités spatiales, sociales et environnementales liées aux différents degrés de dégradation des sols. L’événement aura lieu de 9h à 17h, à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Paris-Est, et est ouvert à toutes et tous : chercheurs ou professionnels des sols, de l’environnement, de la ville et des territoires
📅 Jusqu'au 17 septembre, candidature « Habiter le dérèglement climatique ». Habiter le dérèglement climatique… Cela va nous arriver, à toutes et à tous. Pas de panique, on peut anticiper, s’adapter pour vivre dans des territoires mouvants, menaçants et plus toujours assurés. A condition de ne pas regarder ailleurs. C'est ce que propose le cycle 2025-26 des Ateliers de l’Institut @idheal. Une formation centrée sur le logement, 2 jours par mois, un voyage d’études et des ateliers collectifs.
📻 Cultiver les liens dans les jardins. Les jardins urbains ont de multiples fonctions : outils de sensibilisation à la biodiversité, de création de liens sociaux, mais aussi moyen de lutte contre les ilots de chaleur urbains. À Nantes, l’association ECOS accompagne la création de jardins depuis près de 20 ans. Cette association utilise les jardins comme moyen pour nouer des liens de proximité, et ouvrir des lieux sensibles. Elle travaille étroitement avec les acteurs publics et des bailleurs sociaux, mais aussi avec les particuliers. Dans cet épisode, Romaric Lesaint, chargé de coopération à ECOS, revient sur l’histoire et la démarche de l’association ainsi que les bénéfices qu’elle rend à la ville et aux habitants. (podcast dixit.net)
📚 Nantes, ville révoltée : une contre visite de la Cité des Ducs (éditions divergences, 2024). Le média Nantes Révoltée, devenu Contre Attaque, est de toutes les mobilisations sociales, en publiant ce livre, il se fait aussi la mémoire des luttes nantaises au fil des rues. Une déambulation urbaine précise et incisive, qui pourrait intéresser les férus d’Histoire sociale comme les amoureux nantais.
L’émeute, lorsqu’elle provoque une suspension du temps et un renversement de l’ordre des choses en produisant une palette d’actions impossibles en temps normal, n’était-elle pas une manière surréaliste de réinventer la ville ?